Il promène une silhouette longiligne sur les sentiers exubérants de la vie depuis plus qu’un demi siècle, à la recherche d’un accomplissement majeur, dont, il caressait avec peine l’espoir en grandissant. Tant les viscosité de l’existence avaient élu domicile chez cet être fragile. Tant des malheurs se succédaient aux bravades enfiévrées. Et, Tant il avait reçu juste le peu qui le projetait vers des aspirations légitimes. Au demeurant, avec de telles aspirations, il vivait malgré tout, pour les exprimer. Il se forgeait un chemin vers leur accomplissement. Il deviendrait par dessus tout : un des plus grands artistes que ce pays béni aurait à offrir au monde.
Au-delà de tout, Nazaire BALEP, à l’état civil est un homme affable, dont l’humanisme n’a d’égal que la sensibilité et la serviabilité, imbibé d’une dévotion quasi scolastique pour les traditions ancestrales, s’arcboutant dans un jeu d’équilibre fragile avec une foi chrétienne consacrée. C’est qu’il est un africaniste convaincu, réminiscence d’une enfance en plongée dans les profondeurs abyssale de ses racines ancestrales.
Ce qui fait de lui une sorte de patriarche, nanti de l’autorité liturgique d’affirmer les valeurs fondamentales qui s’en exhalent. Ce qu’il sait si bien leur egrainer un chapelet de lauriers symboliques, à travers des œuvres originales et extrêmement parlantes ! Avec lui, le mutisme suggéré de l’art pictural trouve une raisonnance idiomatique exceptionnelle, il fait parler la couleur, les figures et les symboles avec une verve sans pareille.
Pourtant, rien ou presque ne le destinait à cet itinéraire si élitiste. Lui qui s’est retrouvé séparé de sa famille nucléaire à sept ans, confié à un oncle qui lui priva de son droit fondamental à l’instruction, arrêtant l’école au cours élémentaire, forcé de grandir plus vite que son âge, de se trouver une voie quelconque dans l’apprentissage de la mécanique automobile et d’autres métiers, au moins pour ne pas être le cancre espéré, pour assouvir une jalousie puérile dont il était victime. À dix ans, il se retrouve orphelin d’un père, qu’il n’aura finalement pas tant connu, malgré la transmission qu’il lui assura des valeurs, qui forgeront sa personnalité et son identité. Sans doute las de protéger ce rejeton, de qui une prémonition assurait un grand avenir, suscitant de la sorte une jalousie meurtrière.
De ville en village, il grandira au contact de la nature et dans un lien indéfectible avec ses illustres devanciers, dont il sert à merveille de courroie de transmission de cette mémoire intemporelle. Car cet attachement a été tissé par une initiation au vertus du Mbog (Essence de l’ancestralité, qui fonde, régit et unit la communauté nsa’a, autrement appelée bassa), par le père (lui-même Mbo Mbog, càd le Guide éclairé et consacré de la communauté), en ses débuts et elle fut parachevée par les anciens du village Omeng Ndog-Likum, qui répondait à sa serviabilité par une affection protectrice et cette éducation remarquable.
Face à la forêt et aux arbres débités, il a des envies de sculpture.
Entré plus tard dans l’atelier de maître en peinture et sérigraphie, Enfant du pays, pour ne pas le citer, après avoir parachevé un apprentissage long de sept ans de la mécanique automobile comme chauffeur mécanicien, il se découvre le talent de peintre et graphiste. Une époque aux expériences fort enrichissantes, qui achèvera de faire du jeune prodige, une des valeurs sûres de la scène artistique nationale. Il ne tardera pas à prendre son envol personnel, à tracer une voie sinueuse, mais redoutablement conquérante. Bientôt, face à la toile, il fait danser les couleurs remarquablement bien, sous la signature très remarquable de Nazaire KOLO. Kolo étant le surnom donné depuis la naissance, en allusion au Colonel de l’armée égyptienne Gamal Abdel Nasser, à propos de qui nous lisons ceci dans l’Encyclopédie wikipédia :
« Né le 15 janvier 1918 à Alexandrie et mort le 28 septembre 1970 au Caire, est un homme d’État égyptien. Il fut le second président de la République de 1956 à sa mort. Après une carrière militaire, il organisa en 1952 le renversement de la monarchie et accéda au pouvoir. À la tête de l’Égypte, il mena une politique socialiste et panarabe appelée nassérisme. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des dirigeants les plus influents du xxe siècle. »
De Nasser à Nazaire, il n’y a qu’un pas pour être Kolo’o ou KOLO ; incidieusement mieux que BALEP – « Celui qu’on jette » – ce qu’il avait été à sa naissance à Edéa, après que sa génitrice s’y soit réfugiée à la suite d’une dispute et de violence de la part de son père. L’espoir étant ainsi caressé d’un destin presqu’aussi éloquent pour la jeune pousse. Ce destin va se tracer sur le chemin laborieux du dessin et de la couleur et ce, de fort belle manière. Une carrière artistique longue de plus de trois décennies à ce jour s’ouvre alors à lui, faite de réalisations prolifiques, de rencontres enrichissantes, d’expositions diverses, d’expérience professionnelle époustouflante.
Il est alors remarqué par quelques mécènes, dont Maître Alice KOM, alors qu’il réalisait sa première exposition individuelle en 1995, organisée par une association de son quartier Nkongmondo. Dans le sillage de cette illustre personnalité du pays, il va s’en suivre la rencontre avec Monsieur Nicolas BISSEK et une collaboration forte et inaltérable jusqu’à ce jour. Il va l’accompagner dans l’organisation de ses événements d’envergure autour des arts visuels, tandis que ce dernier va lui consacrer une place privilégiée dans son écriture sur l’art contemporain africain, depuis l’ouvrage de référence « Les Peintres de l’Estuaire », jusqu’au plus récent « Peintre du Cinquantenaire », en passant par « Couleurs et Toiles ».
Parmi les expositions collectives majeures auxquelles il a participé figurent différentes éditions de l’Exposition « Couleurs et Toiles », à la fois comme exposant et comme co-organisateur aux côtés de Nicolas BISSEK, dont quelques-unes avec moi comme co-curateur. Il participa aussi à quelques éditions de « Last Pictures Show », organisé par Madame Catherine Pictet.
Celui qui reçu va aussi transmettre, tenir la main, mettre le pied à l’étrier à plus d’un : un mentor dans le sens le plus noble du terme. Un peu comme Viking KANGANYAM, de regretté mémoire, il vit défiler dans son premier atelier au quartier Nkongmondo, de nombreux jeunes artistes en quête de leur voie vers l’excellence. Celui qui ne reçu pas d’instruction livresque, qui ne pu apprendre ni à lire, ni à écrire, allait être l’un des chantres de la pensée élevée, cultivé à souhait, un intellectuel bantou de très haut vol, un initiateur, encadreur et transmetteur hors pair, dans le geste créatif. C’est en cela que sans avoir consommé plus de jours qu’il n’en faille pour en être consacré, au demeurant il fait figure de patriarche sur la scène artistique nationale. Et avec quelle dextérité, il manie obsessionnellement la couleur et le trait !!!
Nazaire KOLO est surtout le chantre du symbolisme aux agrégats patrimoniaux bantous, comme l’affirme avec autorité l’Écrivain d’art, Nicolas BISSEK. Laissons le décrire l’œuvre de KOLO :
« C’est donc un adepte du symbolisme qui déploie ici sa science graphique naturelle, sa peinture d’esprit. En effet, il s’emploie à suggérer des réalités informulées et secrètes, des préoccupations mystiques et ésotériques ; conférant aux images de la mythologie la même réalité qu’à celles de la vie quotidienne à l’instar du Suisse Arnold Böcklin. Ainsi donc, le mystère prend une forme sensible qui le rend plus éloquent et compréhensible, tout en conservant jalousement ses prérogatives. » Les Peintres de l’Estuaire, p.109, Ed. Karthala.
En effet, qu’il plonge dans des substrats réels ou informes, dans un style naturaliste ou abstrait, Nazaire KOLO fait la part belle au symboles qui drapent les traditions ancestrales. Bien-sûr qu’il enrichit ses sujets de thématiques tout aussi actuelles, au cœur de ce qui fait battre le quotidien individuel, ou collectif africain, de ce qui se situe sur des strates sociales, économiques, politiques et géostratégiques. Toujours avec ce regard pointus et sobre de l’homme qui a son mot à dire, sans le verbe plus haut que ceux qui prétendent savoir, il écume les lampions du passé comme du présent, dans une exaltation esthétique subliminale et athavique.
Il est à la recherche d’un sens profond du lien indéfectible entre les temps et les âmes qui s’effacent dans les souvenirs vivaces et ceux qui se prolongent vers l’infini du lendemain.
Il fait épouser à son opulente palette, un vaste champ du spectre lumineux et chromatique, traduisant à ravir situation et émotions endolories et exubérantes. La toile se charge de traits bigarrés, de lignes de force, de perspectives assurées ou non suggérées, de compositions sympathiques et majoritairement asymétriques, de contrepoints et de charges chromatiques toujours en équilibre dynamique. Tantôt en aplat, tantôt des zestes de reliefs, tantôt des techniques de collage avec des matériaux atypiques, tels que l’ébène, en sciure ou en morceaux, pour subjuguer la matérialité d’un patrimoine culturel exceptionnel, dont il se veut l’un des dépositaires attitrés.
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L’artiste inscrit ainsi son œuvre dans une quête permanente de l’essence des civilisations humaines, celle bantoue en particulier, dans ce qu’elle a de marquante et dans son imprégnation des circonvolutions micro ou macro existentielles de la société dite moderne. Il interroge, constate ou persifle les réalités hybrides qu’elles engendrent, en équilibre avec l’onirisme subliminal des réalités cosmogoniques en liaison avec l’ancestralité bantoue ou judéo-chrétienne. Aussi,il donne le ton allègre aux choses de ce monde et à d’autres qui s’inscrivent dans la mythologie bantoue.
Il voulut être Peintre, il embrassa cette trajectoire en autodidacte, faisant grandir toujours plus haut son talent et la prodigalité de sa création artistique. Malgré des œuvres dispersées au quatre coins du globe, dont il ignore les destinations empruntées, il continue à enrichir une collection impressionnante de tableaux et autres créations graphiques ou de design.
Vu la facilité et l’aisance qu’il imprime à son geste créatif, il y a de quoi qu’il compte à ce jour des centaines d’œuvres majeures, fruits d’une maturité sertie de sublimité.
Une infime partie de cette fabuleuse aventure, pour le moins la plus récente fera l’objet d’une exposition en duo avec ANGU Waters.
Dans celle-ci, il livre cette face intérieure de lui-même, tissé dans le marbre vivant du patrimoine ancestrale et éloquemment humain, si cher à son cœur. Près d’une vingtaine de tableaux cousus sur un fil d’Ariane de l’interrogation des réalités de maintenant, d’hier et de demain, telles qu’elles imprègnent l’intimité de son existence et fonde son expérience à être humain. Vous avez noté : Facing My Self ; du 07 octobre au 12 novembre 2021, à Annie KADJI Arts Galery à Bonapriso – Douala.
Que cela vaut le coup d’œil n’est qu’une lapalissade. Que cela vaut le déplacement, est une exigence absolue. Quand vous aurez vu, nous pourrions en dire davantage derrière votre regard.
En attendant, que vive l’art sous le pinceau de NEW !