À l’heure où les réseaux sociaux exposent sans filtre les violences faites aux femmes, Frank William Batchou publie les déboires d’une femme battante abusée dans ses relations amoureuses. Il fait la peinture d’une figure féminine confrontée à un perpétuel recommencement. À travers un récit de 131 pages édité par Élite d’Afrique, L’erreur de la nuit, il expose la passion sous sa forme la plus méprisable. Son héroïne Victoire en fait les frais tout au long de son parcours de vie. Pourtant, elle ne plie jamais l’échine.
Le récit s’ouvre sur une séquence nostalgique. Le narrateur peint d’entrée de jeu le tourment ponctuel qui anime Victoire. « Elle révisualise le film de sa vie […] Quarante ans de rudes épreuves qui ont failli lui coûter la vie à un moment donné. » (p. 8). Il résume ainsi son vécu ébranlé par de nombreuses désillusions. Son malheur commence par la trahison d’un premier amour avec qui elle s’est laissé aller à un coup de folie. Il s’en suit un choc qui la décidera à prendre un chemin inconnu.
Dès lors, le lecteur est invité à découvrir ou à redécouvrir un espace rural surprenant comme Banwa et des espaces urbains attachants comme Douala et Yaoundé. Ensuite, il est conduit hors du triangle national pour le Nigéria et la France. Il peut être amusé par des habitudes quotidiennes indignes de notre époque. En outre, il est également possible qu’il soit choqué par l’ondoyance des personnages pouvant être exempts des soupçons de vilenie. Par ailleurs, il remarquera que le rapport est souvent conflictuel entre Victoire et les hommes. Par contre, il se dessine moins de déception entre cet enfant de Kekem et la gent féminine.
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Ce roman s’avère être une attestation de l’excellence de la femme dans le combat pour la survie. L’erreur de la nuit fait un clin d’œil à cette figure qui tombe régulièrement tout au long de ses expériences mais se relève avec plus de force. En effet, Victoire connaît l’abandon du père de son enfant et la colère de son père. Alors qu’elle perd tout et se retrouve responsable d’un bébé, elle se lance dans la vie active. Elle monte son business de commerce à partir de rien et reprend ses études sans l’aide d’un tiers. Alors qu’elle perd son travail et le soutien financier de son mari, elle cherche et trouve un nouveau travail plus exigent. En clair, ses pertes sont aussi nombreuses que ses réussites.
L’erreur de la nuit porte dans ses entrailles l’engagement moral de l’auteur. Celui-ci se traduit par l’omniprésence de la vertu à travers un rappel des principes chrétiens. Victoire est le porte-flambeau de ces derniers malgré ses doutes. Elle sauve la vie d’un fils renié par son père. Puis, elle extirpe des camarades des griffes de la prostitution. De même, elle permet à son cadet de poursuivre ses études. Enfin, elle se sauve elle-même d’un envoutement voire d’un féminicide.
Bref, Frank William Batchou démontre qu’une femme rabaissée, humiliée, maltraitée et violentée maintient son destin entre ses mains. Elle est garante de son succès en toute circonstance. Dans cette logique, il encourage toutes les femmes victimes de violences d’en parler et d’avoir le courage de se sauver. « La décision prise par Victoire est irrévocable. Les jours suivants l’altercation, elle a rencontré son médecin pour établir un certificat médical avant de porter plainte pour violence conjugale et tentative d’assassinat. » (p. 124) Ces deux phrases expliquent la démarche ou l’attitude à avoir pour une femme victime de violence de la part de son conjoint.